«Les désorientés», deux ans au cœur d'une classe de BEP | Mediapart

Publié le par Jérôme Martin

«Les désorientés», deux ans au cœur d'une classe de BEP | Mediapart:

Médiapart, 5 décembre 2012
Par Lucie Delaporte et Sophie Dufau

« Que fais-tu en BEP sanitaire et social ? » interroge, bienveillante, derrière sa caméra une camarade de classe de Quentin. « Ben, je me le demande… », répond dans un sourire désarmant l’adolescent récemment orienté en BEP sanitaire et social dans un lycée de Drancy, en Seine-Saint-Denis. Il explique avoir « choisi » cette filière pour éviter le redoublement et parce que « c’est la première chose » dont on lui a parlé.
L’orientation dans le système scolaire français se conjugue au passif. Sous le discours officiel des « vœux des élèves », de la « construction d’un parcours individuel », les élèves jugés trop faibles pour « aller en général » (40 % d’une classe d’âge) sont orientés la plupart du temps sans avoir vraiment eu leur mot à dire, sans avoir surtout aucune idée de ce que cela implique pour leur avenir professionnel. Alors que Vincent Peillon a présenté hier un plan de lutte contre le décrochage scolaire – le divorce avec l’école intervenant souvent après une mauvaise orientation –, ces paroles de « désorientés » sont précieuses. Elles rappellent l’immense gâchis que représentent ces aiguillages précoces et généralement subis.

« Il faut quelque chose qui me passionne sinon soit je m’endors, soit je pars », reconnaît Quentin sur le point de quitter le BEP où il n’a pas trouvé sa place. Pour ceux qui le quittent trop tôt et sans obtenir leur diplôme, le système français est redoutable. Comme l’a montré un récent rapport de l’OCDE, ils sont, plus que dans les autres pays de la zone euro où le diplôme n’a pas cette valeur de sésame, promis à un chômage durable. Le documentaire qui suit ces jeunes pendant plusieurs années montre bien leurs difficultés à s’insérer professionnellement.

Ce mardi 4 décembre, le ministère de l’éducation nationale a annoncé qu’il souhaitait donner une formation à quelque 20 000 jeunes « décrocheurs » via les plateformes de suivi mises en place par le précédent gouvernement. Selon le ministère, ces jeunes seront « appelés un par un » et se verront proposer un « parcours personnalisé de retour en formation dans le cadre d’un contrat d’objectif formation-emploi ».

Pour prévenir les ravages de la mal-orientation, une grande réforme est annoncée dans le cadre de la loi sur l’école promise pour janvier. Si l’on n’en connaît pas encore tous les termes, Vincent Peillon a d’ores et déjà indiqué que son objectif, qu’il qualifiait récemment de « l'un des éléments les plus importants de la refondation de l'école », était de mieux associer régions et entreprises au parcours d’orientation de l’Éducation nationale, arguant des 600 000 offres d’emplois qui ne trouvaient pas preneurs chaque année. Sur notre plateau, lors de notre émission en direct du 18 octobre 2012, le ministre avait défendu ainsi cette démarche qui fait polémique à gauche : « Ces décrocheurs dont nous avons parlé, c’est toujours les mêmes : c’est la seconde du lycée professionnel, pas ceux d’Henri IV. Ceux-là nous leur devons aussi de pouvoir gagner leur vie. Ceux qui sont de ces milieux populaires, qui leur a dit : voilà les métiers qui existent ? Voilà où on peut t'amener ? Voilà quels choix tu peux faire pour ta vie ? Voilà la palette des métiers ? Il serait quand même juste et utile qu’on leur donne l’information. Et ne pas réserver à la famille, aux moyens privés, l’information sur ces parcours. »

L'article 23 du projet de loi dévoilé ce mercredi 5 décembre indique que l'un des objectifs de cette réforme est de donner à l'élève «dès le collège, les éléments qui lui permettront de faire un choix éclairé pour la poursuite de ses études au terme de sa scolarité obligatoire. Cette orientation, ainsi que les formations qui lui sont proposées, tiennent compte de ses aspirations, de ses aptitudes et des perspectives professionnelles liées aux besoins prévisibles de la société, de l’économie et de l’aménagement du territoire». Derrière ces grands principes énoncés par la loi, des décrets devraient préciser un peu plus le fonctionnement de ce nouveau service public de l'orientation.

À entendre ces jeunes « désorientés », il y a en tout cas urgence à faire évoluer le système d'orientation qui rime encore trop souvent avec sanction et relégation.

 Pour voir le documentaire, cliquer ici

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Publié dans Orientation scolaire

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